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12/02/2013

la fin de l’Etat social / Noam Chomsky 2012


 

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Noam Chomsky, en 1928 , linguiste et philosophe américain. Professeur émérite de linguistique au Massachusetts Institute ; intellectuel engagé de sensibilité anarchiste.

 

La protection sociale traverse des moments difficiles. L’Etat solidaire est insupportable pour la pensée ultra-libérale dominante et pour ceux, qui se sentant bien nés ou dans la certitude folle de ne jamais être dans le besoin d’autrui pour eux ou pour leur descendance, il est inconcevable d’y avoir besoin un jour.

Dans une interview donnée à Stuart Brown et Chris Gilson, Noam Chomsky, « le plus grand penseur de notre temps », analyse les politiques d’austérité en Europe et la montée de l’extrême droite dans des pays comme la Grèce et la France.  Il rejoint les analyses qui mettent en gardent contre le démantèlement de la protection sociale. Merci à Le Grand Soir.

 

Question : Que signifie pour la démocratie européenne le recours à des gouvernements technocratiques ?
Noam Chomsky : Il y a deux problèmes. D’abord cela ne devrait pas arriver, au moins si on croit en la démocratie. Deuxièmement, les politiques qu’ils appliquent sont tout simplement en train de mener l’Europe vers des problèmes de plus en plus graves. L’idée d’imposer l’austérité en temps de récession n’a de toute façon aucun sens. Il y a des problèmes, particulièrement dans les pays du sud de l’Europe, mais en Grèce les problèmes ne sont pas réglés quand on demande au pays de faire baisser sa croissance tout simplement parce que la proportion de la dette par rapport au Produit intérieur brut augmente ; et c’est le résultat des politiques qui ont été menées. Dans le cas de l’Espagne, qui est un cas différent, le pays allait plutôt bien avant le krach, il y avait même un excédent budgétaire. Il y avait des problèmes, mais il s’agissait de problèmes causés par les banques, non par le gouvernement, dont des banques allemandes, qui prêtaient un peu sur le modèle des banques états-uniennes (avec des crédits hypothécaires). Donc le système financier s’est effondré, et l’austérité a été imposée à l’Espagne, la pire des politiques. Cela a fait augmenter le chômage, cela a fait baisser la croissance ; cependant que des financements sont accordés aux banques et aux investisseurs, or cela ne devrait pas être la première inquiétude.
L’Europe a besoin de stimulation – le FMI est un peu de cet avis – et il y a beaucoup de moyens pour stimuler l’économie. L’Europe est une région riche, il y a beaucoup de réserves disponibles pour la Banque centrale européenne. La Bundesbank n’aime guère, les investisseurs n’aiment guère, les banques n’aiment guère, mais ce sont les décisions qui devraient être prises. Certains auteurs dans la presse états-unienne sont même d’accord sur ce point. Si l’Europe ne change pas de politique, il va aller vers davantage de récession. La Commission européenne vient de publier un rapport sur ce que sont ses prévisions pour l’année 2013, une croissance très faible et une augmentation du chômage, lequel est le principal problème. C’est un problème très grave : le chômage est en train de détruire une génération, ce n’est pas une petite affaire. Economiquement c’est étrange. Si les gens sont contraints au chômage alors ce n’est pas seulement extrêmement néfaste d’un point de vue humain – pour l’individu – mais également d’un point de vue économique. Cela signifie que ces gens sont des ressources non utilisées, alors que ces personnes devraient servir pour la croissance et le développement.
Les politiques européennes ne sont compréhensibles que sur la base d’une logique précise : l’objectif est d’essayer d’affaiblir et de démanteler l’Etat protecteur social. Et cela a presque été dit. Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne a donné une interview au Wall Street Journal. Il disait que le contrat social en Europe est mort. Il ne le défendait pas, il faisait une description, mais c’est le résultat de choix politiques. Peut-être pas « mort », c’est une exagération, mais il est menacé.

Question : La montée de l’extrême droite dans des pays comme la Grèce et la France est juste un symptôme supplémentaire de la crise de la zone euro ?
Noam Chomsky : Ça ne fait pas de doute. En Grèce c’est évident, bien qu’en France c’est déjà assez ancien. C’est basé sur l’anti-islamisme, le racisme anti-musulman. En fait ça même au-delà de ça en France. Il y a des choses dont on ne parle même pas, à ma grande surprise. Supposez que la France aujourd’hui commence à expulser des Juifs pour les envoyer vers un lieu où ils subiraient des attaques, seraient réprimés, contraints à la pauvreté et à la misère. Vous ne pouvez même pas imaginer le tollé que cela provoquerait. Or c’est exactement ce que fait la France : non pas au Juifs, mais aux Roms, lesquels ont été traités à peu près comme les Juifs par les nazis. Ils ont été des victimes de l’Holocauste. On les oblige à repartir en Roumanie et en Hongrie où les attend un futur de misère, et on n’en parle guère. Et il ne s’agit pas de l’extrême droite, c’est consensuel, quelque chose de remarquable de mon point de vue.
Mais le développement de l’extrême droite est effrayant en Europe. L’Allemagne connaît quelque chose d’équivalent. Par exemple il y a des groupes néo-nazis en Allemagne, bien qu’ils ne s’appellent pas eux-mêmes des néo-nazis, qui s’organisent maintenant pour faire condamner le bombardement de Dresde, affirmant que 250 000 personnes ont été tuées, chiffre dix fois supérieur à la réalité. Bon, je pense que le bombardement de Dresde était effectivement criminel – un crime majeur – mais non pas dans le sens où ces néo-nazis l’utilisent. Si vous allez un peu plus à l’est, la Hongrie, la semaine dernière un député, Zsolt Barath du parti d’extrême droite Jobbik, a fait un discours scandaleux dans lequel il dénonçait la présence de Juifs aux postes de décision : « Nous devons en faire la liste, les identifier, et nous débarrasser de ce cancer », ce genre de choses… Vous savez je suis assez vieux pour avoir des souvenirs personnels identiques à cela qui remontent aux années 1930, mais nous savons tous ce que cela signifie. Cela se produit dans de nombreuses régions d’Europe – et cela se traduit principalement par le racisme anti-musulman – et c’est un phénomène effrayant.

Question : A court terme, pensez-vous que l’Europe puisse trouver une issue à la crise ?
Noam Chomsky : Actuellement la zone euro ne fait que reporter ses problèmes, elle ne les règle pas. La zone euro, à mon avis, est quelque chose de globalement positif, mais elle est gérée d’une telle façon qu’elle rend difficile la concrétisation d’une belle promesse. On est généralement pour dire qu’il devrait y avoir davantage d’unité politique. Vous ne pouvez pas avoir un système dans lequel les pays ne peuvent pas contrôler leur propre monnaie, dans lequel on impose l’austérité aux pays, lesquels ne peuvent alors pas prendre les mesures que prendrait tout pays en situation de crise économique. C’est juste une situation impossible, et il faut régler ce problème.
Il faudrait aussi reconnaître que l’Europe souffre dans une certaine mesure de sa relative humanité. Si vous comparez l’Europe à l’Amérique du Nord, la monnaie unique a été introduite à peu près lors de l’établissement de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), mais les deux processus ont été conduits de façons très différentes. Avant que les Etats les plus pauvres ne soient introduits dans le projet européen des efforts avaient été faits pour élever leurs niveaux par une variété de procédés, en employant des réformes, des subventions, d’autres mesures. Cela avait été fait de telle sorte qu’ils ne portent pas atteinte à l’emploi et aux niveaux de vie des travailleurs dans les pays européens les plus développés. C’est une façon plutôt humaine d’aller vers l’intégration. Aux Etats-Unis une chose assez similaire était proposée par le mouvement syndical états-unien, y y compris même par le bureau d’investigation de Congrès états-unien, mais cela avait été écarté sans commentaire. Le Mexique a donc été intégré d’une façon qui a été plutôt néfaste pour les Mexicains et aussi pour les travailleurs états-uniens et canadiens.
L’Europe souffre de cela.

Source VD : www.blogapares.com

 

Source : http://www.zcommunications.org/unraveling-the-welfare-sta...
Traduction : Numancia Martinez Poggi

 

Source: Le Grand Soir

 

06/02/2013

Tout ce qui nous arrive était déjà écrit / cahier N° 13 de l’OCDE 1996 commenté par blogapares

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Christian Morrisson, professeur émérite à l’Université Paris I

 

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Blogapares, blog d’information ‘’parce que l'art de voir est la seule vérité ‘’ aux idées proches de celles de Noam Chomsky

 

 

Il s’agit d’un rapport rédigé en 1996 par le Centre de Développement de l’OCDE auquel rappelons-le adhèrent la France et la grande majorité des pays dits du « Nord », « occidentalisés », mais surtout actuellement « ensablés ».

Le Centre de Développement a pour objectif  dans ses activités de recherche, « d’identifier et d’analyser les problèmes qui vont se poser à moyen terme, dont les implications concernent aussi bien les pays Membres de l’OCDE que les pays non membres, et d’en dégager des lignes d’action pour faciliter l’élaboration de politiques adéquates ».

Le titre de ce rapport est « la faisabilité politique de l’ajustement », autrement dit comment faire en sorte que les décisions difficiles à supporter pour le peuple ne créent pas de troubles et n’empêchent pas les réélections de ceux qui les ont prises.

Autant vous dire que ce rapport est édifiant et d’un cynisme absolu.  Dans ce rapport, pudiquement appelé Cahier, l’auteur – Ch. Morrisson - explique quelles sont les meilleures stratégies pour que les décisions qui seront forcément impopulaires  en raison d’une crise ( éventuellement) « passent bien ou mieux », au cas où TINA (There Is No Alternative) ne serait pas assez convaincante.

L’ auteur, a la délicatesse d’illustrer et/ou d’argumenter ces stratégies par ce qui s’est fait dans certains pays avec ou sans succès.

Florilège:

- « Les cinq études par pays du Centre de Développement confirment l’intérêt politique de certaines mesures de stabilisation : une politique monétaire restrictive, des coupures brutales de l’investissement public ou une réduction des dépenses de fonctionnement ne font prendre aucun risque à un gouvernement. »

- « Les coupures dans les budgets d’investissement ne suscitent habituellement aucune réaction, même lorsqu’elles sont très sévères. »

- « La libéralisation des échanges — une mesure recommandée avec insistance par la Banque mondiale — illustre ces réactions opposées dont le gouvernement peut tirer parti. Certes, il existe toujours un front protectionniste assez large et puissant, même s’il est hétérogène. Il rassemble les industriels des secteurs protégés (et leurs salariés), les hauts fonctionnaires qui veulent garder leur pouvoir (sans parler des cas de corruption que permet l’octroi de licences d’importation), les syndicats et les partis de gauche, les partis marxistes étant les plus opposés et, dans certains pays, les partis nationalistes pour lesquels l’importation de certains biens est synonyme d’occidentalisation. A l’opposé, le gouvernement est soutenu par ceux qui bénéficient de la libéralisation : les industriels exportateurs, les agriculteurs, les artisans qui peuvent s’approvisionner plus facilement et moins cher et enfin les consommateurs.
L’histoire des politiques de libéralisation confirme ces résistances mais montre qu’elles ne sont pas dangereuses au point de remettre en question l’ouverture. »

- « La politique de libéralisation interne, pour l’agriculture ou le secteur financier, ne suscite pas non plus d’opposition politique très forte »

- « Ainsi, toute politique qui affaiblirait ces corporatismes (syndicats par exemple) serait souhaitable : d’un point de vue économique, cela éliminerait des entraves à la croissance et, politiquement, le gouvernement gagnerait une liberté d’action qui peut lui être précieuse en période d’ajustement »

- »Il est possible aussi d’atténuer l’impact d’une hausse de prix par des distributions de denrées alimentaires pour rémunérer la main-d’œuvre embauchée sur les chantiers des travaux publics. Enfin, il ne faut jamais augmenter les prix à des moments difficiles pour les ménages, comme les fins de mois ou les fêtes religieuses » (vaut mieux attendre  Le Tour de France, c’est connu…)

- « Après cette description des mesures risquées, on peut, à l’inverse, recommander de nombreuses mesures qui ne créent aucune difficulté politique. Pour réduire le déficit budgétaire, une réduction très importante des investissements publics ou une diminution des dépenses de fonctionnement ne comportent pas de risque politique. Si l’on diminue les dépenses de fonctionnement, il faut veiller à ne pas diminuer la quantité de service, quitte à ce que la qualité baisse. On peut réduire, par exemple, les crédits de fonctionnement aux écoles ou aux universités, mais il serait dangereux de restreindre le nombre d’élèves ou d’étudiants. Les familles réagiront violemment à un refus d’inscription de leurs enfants, mais non à une baisse graduelle de la qualité de l’enseignement et l’école peut progressivement et ponctuellement obtenir une contribution des familles, ou supprimer telle activité. Cela se fait au coup par coup, dans une école mais non dans l’établissement voisin, de telle sorte que l’on évite un mécontentement général de la population. »

 

Et il y en a comme ça 42 pages. Tout simplement énorme.

Ah oui, veuillez désormais parler s’il vous plaît d’ajustement. Non pas de licenciement abusif, d’exploitation, de bas salaires, de mutations forcées, de baisse de qualité de service, de baisse ou blocage de salaire,… Mais d’ A-JUS-TE-MENT.

Rendons grâce à Ch. Morrisson cependant qui écrit dans son cahier:

« L’intérêt politique de ces mesures ne signifie pas qu’elles sont les plus « rationnelles ou les plus justes »

Ah merci de le reconnaître, belle lucidité.

Maintenant les politiques ( on ne parle pas des hommes, mais des pratiques) ne doivent plus être rationnelles ou justes.

Allons bon.  L’organisation de la cité ne doit pas se faire d’une manière rationnelle et juste? On croit halluciner.

Petite précision tout de même au bénéfice de L’OCDE qui prend soin de préciser en tête du  cahier:

« LES IDÉES EXPRIMÉES ET LES ARGUMENTS AVANCÉS DANS CETTE PUBLICATION SONT CEUX DES AUTEURS ET NE REFLÈTENT PAS NÉCESSAIREMENT CEUX DE L’OCDE OU DES GOUVERNEMENTS DE SES PAYS MEMBRES. »

Ouf, l’honneur est sauf.

Sauf que figurez-vous, c’est ce qui est en train de se passer depuis 1996 avec une accélération depuis 2008, date du début de la crise programmée.

En plus du rapport, nous mettons en ligne le CV de son auteur, qui explique sans doute son côté  »terminator ».

Voici les deux documents; régalez-vous

 

CV_Ch. Morrisson  

Cahier N°13 OCDE

 

Source des commentaires bloapares

 

02/02/2013

la France amie du Mali ? / Michel Collon 2013

 

La France amie du Mali ? 

à vous de voir…  d’entendre surtout !


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Michel Collon, journaliste, essayiste belge fondateur du collectif indépendant Investig’Action